Le présent article a pour objet de répondre à vos interrogations concernant la responsabilité du propriétaire, ainsi que celle du locataire, du Syndic et du gestionnaire en matière de dératisation et désinsectisation.
Il convient en effet de répondre à cette question en évoquant l’éventuelle responsabilité de chacun d’entre eux.
A Paris, Marseille et plus particulièrement dans toutes les grandes agglomérations, la lutte contre les nuisibles est devenu un enjeu sanitaire majeur, à l’instar de la lutte contre l’habitat indigne.
A cet égard, la loi ELAN n’a pas manqué d’ajouter une condition essentielle à la notion de logement décent, qui doit être dépourvu de toute « infestation d’espèces nuisibles et parasites ».
En cas d’infestation lors de l’entrée dans les lieux, le propriétaire doit généralement prendre à sa charge le coût de l’intervention.
Toutefois, la question est plus délicate lorsque l’infestation apparaît en cours de bail et que l’éventuelle responsabilité du locataire peut alors être mise en cause.
En outre, il est nécessaire de déterminer l’origine de l’infestation afin de pouvoir déterminer la responsabilité de chacun.
Les questions sont nombreuses quant à la responsabilité de chacun en matière de dératisation et désinsectisation et c’est pour cette raison qu’il convient d’en délimiter les contours.
I.La responsabilité du propriétaire en matière de dératisation et désinsectisation
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que :
« Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conformé à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée. (…)
Le bailleur est obligé de :
c)D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien de l’état et à l’entretien des locaux loués »
En effet, tout propriétaire est dans l’obligation de remettre au locataire un logement décent.
A cet effet, la loi n°2018-1021 dite ELAN du 23 novembre 2018 est venue compléter la notion de logement décent en y ajoutant une condition essentielle ; le logement doit-être exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites.
Les frais de dératisation sont en principe à la charge exclusive du propriétaire.
En effet, le décret n°87-713 du 26 août 1987 qui fait état des charges récupérables auprès du locataire, ne prévoit pas que les frais de dératisation peuvent lui être imputables.
Avant toute mise en location, le propriétaire doit s’assurer que son logement n’est pas infesté par des nuisibles et/ou des parasites.
Dans le cas contraire, il sera contraint de prendre toutes les mesures nécessaires afin de mettre fin aux diverses infestations.
En pareil cas, les frais de dératisation et de désinfestation seront à la charge exclusive du propriétaire.
Il en sera de même, si peu de temps après l’entrée dans les lieux, le locataire constate la présence de nuisibles et de parasites dans l’appartement.
Si le locataire, constate en cours de bail, la présence de rongeurs dans son appartement, il devra se rapprocher de son propriétaire, au plus vite.
Avant toute chose, il conviendra de se renseigner sur l’origine de l’infestation.
En effet, si la présence de nuisibles provient des parties communes, le Syndic sera dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires afin de dératiser les parties communes.
Dans le cas contraire, et si la présence de rongeurs n’est constatée qu’au sein des parties privatives, le propriétaire sera dans la majorité des cas, en charge de la dératisation.
Le propriétaire tenu par son obligation de délivrance d’un logement décent sera contraint de procéder à la dératisation, à ses frais.
A ce titre, la Cour de cassation n’a pas manqué de rappeler que les frais de dératisation restaient entièrement à la charge du propriétaire (Cour de cass. Chre civ 3 – 29 janvier 2002 – n°99-17042)
Toutefois et dans certains cas, Il conviendra de nuancer la responsabilité du propriétaire, dans l’hypothèse où la présence de nuisibles serait liée à un défaut d’entretien courant de la part du locataire.
Dans cette hypothèse, la charge de la preuve pèse sur le propriétaire, et ce dernier devra rapporter la preuve selon laquelle le locataire a manqué à son obligation d’entretien courant, conformément à l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989.
Le propriétaire est dans l’obligation de délivrer un logement décent, et doit par conséquent s’assurer qu’avant l’entrée dans les lieux, le logement est dénué de toutes infestations.
A défaut, et comme le rappelle l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, il se doit de prendre toutes les mesures nécessaires tendant à mettre fin aux infestations, avant l’entrée dans les lieux.
Il en sera de même, dans l’hypothèse où le locataire, découvre peu de temps après son entrée dans les lieux, la présence de parasites tels que blattes, cafards ou punaises de lits.
Dans ces deux situations, les frais liés à la désinsectisation seront à la charge exclusive du propriétaire.
Néanmoins, ce principe doit-être nuancé, lorsque l’apparition des insectes apparaît en cours de bail.
Le décret du 26 août 1987 met à la charge du locataire les frais liés aux seuls produits de désinsectisation :
« V. – Espaces extérieurs au bâtiment ou à l’ensemble de bâtiments d’habitation (voies de circulation, aires de stationnement, abords et espaces verts, aires et équipements de jeux).
A l’électricité ;
A l’essence et huile ;
Aux fournitures consommables utilisées dans l’entretien courant :
ampoules ou tubes d’éclairage, engrais, produits bactéricides et insecticides, produits tels que graines, fleurs, plants, plantes de remplacement, à l’exclusion de celles utilisées pour la réfection de massifs, plates-bandes ou haies ».
En effet, seuls les produits liés à la désinsectisation peuvent-être imputés au locataire.
Les frais liés à la main d’œuvre et à l’éradication des nuisibles, sont toutefois imputables au propriétaire.
En tout état de cause, le propriétaire se doit d’être réactif et faire intervenir une entreprise spécialisée dans les meilleurs délais.
A défaut, sa responsabilité pourrait être engagée pour manquement à ses obligations, conformément à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989.
Dans l’hypothèse où le locataire a satisfait à son obligation d’entretien et qu’il constate la présence de nuisibles et/ou parasites dans l’appartement, il devra immédiatement en informer son propriétaire, qui devra réagir dans les plus délais.
En l’absence de réaction de la part du bailleur, le preneur pourra mettre en demeure son propriétaire de réaliser les travaux nécessaires au titre de la dératisation et/ou désinsectisation.
Aussi, le locataire désireux de trouver une solution amiable, pourra saisir la Commission Départementale de Conciliation.
Toutefois, et à défaut d’accord, le locataire pourra saisir le Tribunal Judiciaire compétent afin de contraindre le propriétaire à prendre toutes les mesures de dératisation.
Le locataire pourra dans certains cas solliciter des dommages et intérêts en lien avec le préjudice subi.
Enfin, en cas de logement insalubre, le Juge pourra ordonner la résiliation du bail au tort du bailleur.
C’est d’ailleurs ce qui avait été considéré par la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 09 mai 2014.
Un appartement était envahi par les cafards et les propriétaires n’avaient pas cru bon devoir réagir.
La Cour d’appel a considéré que la désinsectisation du logement incombait au bailleur. La résiliation du bail aux torts du bailleur a été constatée pour manquement à son obligation d’effectuer toutes les réparations, autres que locatives. (CA Bordeaux, 1ère civ, Section A – 9 mai 2014 – RG n°12/06806).
II.La responsabilité du locataire en matière de dératisation et désinsectisation
L’article 7.d de la loi du 06 juillet 1989 dispose que : « Le locataire est obligé de :
d) De prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d’Etat, après avis de la Commission nationale de concertation. Lorsque les organismes bailleurs mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation ont conclu avec les représentants de leurs locataires des accords locaux portant sur les modalités de prise en compte de la vétusté et établissant des grilles de vétusté applicables lors de l’état des lieux, le locataire peut demander à ce que les stipulations prévues par lesdits accords soient appliquées ; (…) »
Le locataire est tenu par une obligation d’entretien courant de son logement.
Si la présence des rongeurs est directement liée à l’absence ou au mauvais entretien de l’appartement, le locataire sera tenu responsable et devra prendre à sa charge les frais de dératisation.
Le propriétaire devra toutefois en rapporter la preuve.
Les mêmes règles s’appliqueront en matière désinsectisation.
En effet, si le propriétaire arrive à prouver que la présence de nuisibles est liée au manque d’entretien du locataire, ce dernier devra prendre à sa charge les frais d’intervention de désinsectisation.
A cet effet, la Cour d’appel de Chambéry avait considéré que les frais liés à la désinsectisation de l’appartement étaient imputables au locataire, aux motifs que la présence des nuisibles résultait de l’état de saleté de l’appartement (CA Bordeaux, 1ère chre. Civ, section A – 9 mai 2014, RG n°12/06806).
En conséquence, lorsque le locataire manque de manière manifeste à son obligation d’entretien courant, l’ensemble des frais liés à la désinsectisation lui seront imputables.
Le bailleur ne saurait en effet palier aux manquements du locataire.
Le propriétaire peut dans certains cas solliciter la résiliation du bail pour non-respect des obligations.
III.La responsabilité du Syndic en matière de dératisation et de désinsectisation
Au regard de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 le syndic est chargé « d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; ».
Dans la mesure où la présence de nuisibles est détectée uniquement dans une partie privative sans qu’elle le soit dans le reste de l’immeuble, il appartient seulement au Syndic d’informer les copropriétaires du risque de contamination de l’immeuble, et de s’enquérir sur la présence de nuisibles dans d’autres appartements afin de proposer l’intervention d’une entreprise spécialisée.
A contrario, s’il est établi que les parties communes de l’immeuble sont infestées ou qu’il s’agit d’un problème généralisé, il appartient au Syndic au regard de son obligation d’entretien et de conservation, de mandater une entreprise spécialisée afin de mettre un terme à leur prolifération (au même titre que pour une dératisation).
La prestation sera alors à la charge de l’ensemble des copropriétaires sans qu’un vote en assemblée générale ne soit requis puisqu’il s’agit de travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble.
A défaut, et en cas de négligence de la part du Syndic, sa responsabilité pourrait être engagée à l’égard du syndicat des copropriétaires ou des copropriétaires touchés.
Le syndic se doit d’être proactif dans la gestion de ce sujet (CA Aix-en-Provence, 11ème chambre A, 20 janvier 2015 – n°13/07882).
IV.La responsabilité du gestionnaire de biens/agence en matière de dératisation et de désinsectisation
Le gestionnaire de bien est chargé de gérer pour le compte du propriétaire l’ensemble des actes de gestion locative, et doit à ce titre gérer les réparations nécessaires.
A cet effet, le gestionnaire doit informer son mandant, propriétaire de l’appartement, de la nécessité de procéder à une remise en état de l’appartement et doit veiller à l’entretien convenable de l’appartement (Versailles, 20 nov 1985, Rev loyers 1986.186 – Paris, 8 de c 1995, Gaz Pal.1996. Somm.120).
Ainsi, si lors de l’établissement d’entrée des lieux, le gestionnaire constate la présence de nuisibles, il devra immédiatement en informer le propriétaire et prendre les mesures nécessaires afin d’y mettre fin.
L’appartement devra bien évidemment répondre aux critères de décence, imposées par la Loi ELAN.
En cours de bail, si le locataire constate la présence de nuisibles, il devra en informer le gestionnaire.
Ce dernier devra mener les diligences nécessaires en vue de faire constater les désordres, faire établir des devis et assurer le suivi des opérations, si son mandat le prévoit.
En cas d’inertie de sa part, sa responsabilité contractuelle pourra être engagée.